8 heures du matin. Il fait froid. Nous voici postés en haut du cañon de Colca, le plus haut du monde. Nous attendons les condors. De temps en temps, l'un d'entre eux tourne tout en bas, comme en éclaireur. Mais le soleiln'ayant pas encore suffisamment réchauffé l'air, ils ne peuvent pas s'envoler. Ils ont besoin de courants chauds ascendants. Un quart d'heure plus tard, le premier apparaît suivi par d'autres à intervalles réguliers. Ils sont majestueux, planant au dessus de nos têtes, si près qu'on a tendance à baisser la tête. Ils semblent nous narguer, se laissant admirer, puis s'éloignent.Deux d'entre eux se sont posés sur un rocher, à 10 mètres à peine des visiteurs. De temps en temps passe un aigle, ridiculement petit à côté des condors. A 9 heures 45, nous levons le camp, la boîte pleine de photos prises en rafales. Quel spectacle !
Gault et Millau, le retour.
Nous nous étions gastronomiquement quittés au départ de la Nouvelle Zelande. L'arrivée en Polynésie nous fait changer de registre culinaire. D'abord parce que ce peuple résolument tourné vers la mer, en utilise toutes les ressources dans ce domaine : en 4 semaines passées en Polynésie, nous avons mangé une seule fois du poulet. Ensuite parce que la culture gastronomique de ce territoire se situe au confluent de deux influences : la polynésienne et la française. Le résultat dépasse toutes les espérances : mahi-mahi, thon, saumon des dieux, poisson perroquet, baliste, langouste, écrevisses et bien d'autres espèces encore, la plupart du temps grillées et accommodées avec des sauces qui laissent place à une créativité plongeant ses racines dans les deux cultures : sauce au miel, à la vanille, au beurre, au citron vert, au lait de coco, à la fleur de safran....
Le plat typique, le poisson à la tahitienne mérite plusieurs détours. A partir d'une base classique : du poisson cru (en général du thon) mariné 5 minutes dans du jus de citron vert, mélangé avec concombre, poivron, tomate, oignon puis arrosé de lait de coco, les polynésiens imaginent mille façons de personnaliser leur plat, utilisant à l'infini toute la gamme des épices à leur disposition (cannelle, gingembre, piment doux....)
Les fruits ici reflètent la couleur des îles, inondés de soleil, gorgés de sucre. Nous nous sommes rassasiés d'ananas, papayes, bananes et de toute la gamme des agrumes.
Passons sur la bière locale (Inano) qui à elle seule ne vaut pas un si long voyage. Tous les crus français sont de toute façon présents dans les rayons et sur les cartes et s'accommodent parfaitement avec la cuisine locale (beaucoup moins avec notre compte en banque car les prix sont là encore "polynésiens").
Un saut de quelques milliers de kilomètres et nous voici en Amérique latine.
La région mérite bien son nom car les influences culinaires espagnoles, italiennes et françaises demeurent flagrantes (dans une moindre mesure dans les pays de l'altiplano qu'en Argentine et au Chili) ; chaque pays utilisant bien sur ses ressources locales : le colin du Chili, l'agneau de Patagonie (encore supérieur à celui de Nouvelle Zelande), la quinoa et les multiples espèces de pommes de terre du Pérou et de Bolivie, la truite du lac Titicaca (les restaurants présentent plus de 15 manières d'accommoder ce poisson).
Influence européenne ? Deux exemples.
Le pain : au froment, au seigle, complet ("pan intégral"), au sésame.... La pâte est travaillée, levée à la cuisson, enrobée d'une croûte dorée et croustillante.
La charcuterie ensuite. Le Chili et l'Argentine ont conservé en cette matière le savoir faire de leurs origines européennes : saucisses, saucisson, jambon y sont excellents. Quant au boudin, les élèves ont dépassé les maîtres.
Le point faible de la gastronomie locale reste, encore et toujours, le fromage. A l'exception d'un roquefort (à base de lait de vache) et manquant de personnalité en Argentine et au Chili et d'un fromage artisanal vendu par les péruviennes et les boliviennes aux arrêts de bus, nous n'avons rien trouvé de consommable en Amérique latine. Mais où sait-on vraiment faire du fromage, à part dans notre pays (et à la marge en Italie) ? (Cocorico)
Parmi les plats typiques citons :
- La parillada : servie pour au minimum deux personnes, c'est un assortiment de saucisses, boudins, viande de porc, de poulet, de boeuf et d'agneau grillés à la braise et accompagnée de petites pommes de terre rissolées et parfumées au jus de la viande. Incontournable.
- La morue et le colin au roquefort : une découverte, un expérience gustative à renouveler.
- La langue de boeuf au chocolat et au piment : intéressant mais pas inoubliable.
- Les tamales, des feuilles de mais fourrées aux légumes (parfois à la viande) : pour calmer une petite faim de midi sur un mode exotique.
- Les steaks de llama et d'alpaca. Réputée sans cholestérol, cette viande qui s'apparente de loin à celle du veau nous a relativement déçus par son manque de saveur. Sans doute cela tient-il en partie au mode de cuisson.
Comment procéder pour ne pas se faire servir une viande calcinée ? Si vous avez la réponse dîtes le nous. Nous avons tout essayé : "vuelta y vuelta", "con sangre", "diez secundos cada lado", "al inglese" (le vocabulaire gastronomique est parfois paradoxal). Un seul restaurant a su nous servir une pièce de boeuf "bleue" : la Taverne à Sucre (mais c'est une annexe de l'Alliance Française). Reste bien sur la solution adoptée par Michel lorsque nous étions au Mexique : aller en cuisine et cuire soi-même son steak !!!!!
- Gardons pour la bonne bouche (si l'on peut dire) la spécialité très appréciée au Pérou, le cochon d'Inde. Nous avons goûté. Enfin ! L’un de nous deux, l'autre n'ayant pas pu vaincre certaines résistances psychologiques (devinez qui ?). Fendu en deux dans le sens de la longueur, grillé au feu de bois et présenté avec la tête et la queue, le cochon d'Inde ("cui" en espagnol) représente une expérience culinaire inédite. La chair est tendre, veloutée, presque doucereuse mais malheureusement rare autour des os.
¿ Y para beber ? Commençons par un "pisco sour" bien sûr. Un apéritif local à base d'alcool de raisin (dont le Pérou et le Chili se disputent l'origine) mélangé à du citron vert, du sucre de canne, du blanc d'oeuf battu en neige et une pointe de cannelle. Mais l'assemblage est délicat : l'un des composants se trouve-t-il en excès, et l'équilibre est rompu.
Parlons enfin des vins. Sans polémiquer. Et disons le nettement : depuis deux mois et demi en Amérique latine, jamais on ne nous a servi une horrible piquette. Une fois peut-être un vin trop jeune. Mais comme nous avons manqué le beaujolais nouveau ! D'une manière générale, les vins sont simples, francs (il n'y a pas d'assemblage de cépages), ronds et amples avec un nez assez prononcé mais très bref en bouche. Ils sont aussi très lourds car ils vont chercher leurs qualités dans un titrage excessif pour nos palais européens : rien ou presque au dessous de 14° en Argentine et au Chili, un peu moins toutefois au Pérou et en Bolivie (eh oui ! on produit du vin à 3000 m d'altitude). A Ushuaia nous avons bu un cabernet rouge qui titrait 14,8°.
Nous ne rapporterons pas de bouteilles (trop lourd dans les bagages), mais nous reviendrons avec des recettes. Nous vous attendons à Scaër pour les goûter.