lundi 30 avril 2007

Sucre





Dédicace : à leur demande insistante, quelques photos de la gente masculine pour Catherine et Mireille. Si cela ne suffit pas, nous pouvons également rapporter des exemplaires du magazine "Lui" local.

Sucre, capitale constitutionnelle est une ville dans laquelle nous nous plaisons beaucoup. Elle est agréable, aérée, vivante. Même si à certains moments, il y a beaucoup de circulation, il fait bon se promener dans les rues bordées d'immeubles de l'époque coloniale. A travers les arches et les grilles en fer forgé, on entrevoit de superbes patios ombragés au milieu desquels trônent de belles fontaines entourées de poteries.
Régulièrement nous voyons passer des cortèges de manifestants. Ce matin, une majorité de femmes paysannes réclamait un espace pour venir vendre leurs produits au marché. La plupart étaient en costume traditionnel et manifestait fort leur mécontentement à l'aide de pétards et de slogans "El pueblo unido, jamas sera vencido". Jeudi, c'était les mineurs venus défendre la nationalisation des mines. De temps en temps, nous voyons passer de petits groupes religieux "prêchant pour leur paroisse" : hier c'était des évangélistes. La Bolivie est un pays qui bouge et Sucre se trouve être le chaudron où toutes les expressions se mêlent.
Notre séjour à Sucre nous permet de nous reposer, de mettre un peu d'ordre dans nos connaissances en espagnol et d'aller plus loin dans l'apprentissage. Notre prof d'espagnol, Isaac, est un jeune homme remarquable. D'origine quechua (un des peuples de la région ouest de la Bolivie), il connaît parfaitement les différences entre le castillan et l'espagnol employé dans chacun des pays latino américains : ces différences ne sont pas fondamentales mais quand même, il est bon de savoir que certains mots utilisés en Espagne peuvent vous attirer des ennuis en Argentine comme cela est arrivé à un touriste. Il s'est "mangé" une paire de claques par une demoiselle en utilisant un verbe mal à propos. Si un de nos lecteurs a l'intention de voyager en Argentine et désire savoir ce qu'il ne faut pas proposer à une dame, nous pouvons transmettre l'info en aparté.
Trèfle de plaisanterie". Ce cours est aussi une source d'informations sur l'évolution politique et sociale du pays. Isaac est un fervent partisan du président Evo Morales et suit de près tout ce qui se passe, nous livrant ses espoirs et ses craintes. Il est aussi très cultivé et s'interesse à ce qui se passe à l'étranger. Ces 2 h de cours quotidiennes sont passionnantes, tant pour l'apprentissage de la langue que pour la connaissance du pays. Dommage que les études et les compétences ne soient pas récompensées par un salaire digne de ce nom. Quand Isaac travaillait pour une école de langue, sur les 8 dollars de l'heure que payaient les élèves il n'en touchait qu'un seul (même pas un euro). C'est l'hôtel qui nous a mis en contact avec lui, mais après quelques cours nous sommes allés chez lui, lui payant directement les heures sans intermédiaire.

Demain, c'est le premier mai, nous nous attendons à des manifestations dans la ville (mais sans la muguet). Nous devions prendre le bus pour La Paz mais ce sera l'arrêt de travail total à Sucre. La gare routière sera fermée. Donc nous partirons mercredi.

Nous regretterons également l'hôtel, très agréable avec nombre de patios. Nous prenions le petit déjeuner dans le 3 ème patio, près des dortoirs. Tous les matins, nous voyions passer plein de "nymphettes" en petite culotte, encore ensommeillées, qui se rendaient aux douches. Richard aimait beaucoup.

vendredi 27 avril 2007




Des réponses aux questions.

Catherine, tu as tout faux cette fois ci. Ce n'est pas Richard qui a bravé la police. Tu sais bien que c'est moi la photographe à "haut risque", enfin !!!! Mais je suis sûre que tu aurais fait le voyage pour me soutenir si j'avais goûté à la prison bolivienne, n'est-ce pas ?
Lorsque nous étions au Mexique, à San Christobal de las Casas, les indiens pensaient qu'on leur volait leur âme lorsqu'on les prenait en photo. Nous imaginions une raison du même ordre en Bolivie mais notre prof d'espagnol nous dit que c'est plus par timidité, par peur de la technologie moderne ou plus prosaïquement parfois pour obtenir de l'argent.

Mireille, les gens ne sont pas dupes ; ils connaissent tous les "trucs" des touristes. Ils savent bien que l'objectif finit toujours par se fixer sur eux. Mais on arrive quand même à déjouer parfois leur vigilance. Ce n’est pas bien, hein !!!!

Les villages se situent aux alentours du salar ; il n'y a que les ouvriers des exploitations de sel qui y passent beaucoup de temps. Ils se protègent le visage mais pas toujours les mains. Autour du salar c'est le désert. Il est vrai qu'en quatre jours, nous étions un peu desséchés par le froid la nuit, la chaleur le jour, le sel et la poussière et surtout la réverbération sur ces étendues blanches. L'eau douce dans le désert est en quantité limitée et dans le salar, elle est inexistante aussi nous avons été contents de prendre une douche en arrivant.

Catherine et Anne, n'avez-vous pas reconnu Alain Vettes sur la photo des quatre dans le salar ?

Et oui Julie, moi, claustrophobe, je suis allée ramper dans la mine. Mais c'est bien la dernière fois que je me fais piéger ainsi.

Joseph, nous n'avons pas mangé de langue de llama, ou du moins pas encore ! Nous avons mangé de la langue de boeuf. Nous avons même vu sur le menu d'un restaurant de Sucre en Bolivie, de la langue de boeuf au chocolat, mais aucun de nous deux n'a eu le courage d'en commander.

Mille excuses Michelle. Tu avais raison en disant que c'était moi, Danielle, qui avait écrit le texte du blog. Nous avons oublié de te le dire.

Une visite de la mine de Potosi




Nous sommes à Sucre depuis hier avec l'intention d'y rester une semaine. Nous reparlerons de cette ville très agréable. Auparavant nous avons séjourné 3 jours à Potosi. Toute l'activité de cette ville est centrée autour de la mine. On y exploite essentiellement le plomb, l'argent et le zinc.

Neuf heures du matin dans le centre ville. Nous nous équipons : combinaison, casque, bottes, lampe et nous partons en minibus vers la montagne qui domine Potosi, siège de tous les puits de mine. Au passage nous nous arrêtons dans une boutique de mineurs. C'est là qu'ils s'approvisionnent. On y vend tout ce qui leur est nécessaire : vêtements, chargeurs de batteries pour les lampes, feuilles de coca, boissons, bâtons de dynamite (en vente libre en Bolivie), alcool.... Notre guide nous brosse un tableau de l'exploitation minière. Les mineurs sont organisés en coopératives (ici à Potosi), leurs revenus sont totalement dépendants de leur production. Les veines de minerai sont exploitées depuis 600 ans mais des études sérieuses indiquent qu'il reste une dizaine d'années de production. Que deviendra Potosi, cette ville de 100 000 habitants ?
Nous goûtons l'alcool des mineurs. Extrait du jus de la canne à sucre, il titre 96 degrés. Vous avez bien lu : 96. De consommation courante dans cette corporation, il est également un élément d'un rituel qui se déroule chaque vendredi dans tous les puits. Là, rassemblés devant une des nombreuses représentations de Tio, le dieu de la mine qu'on trouve dans toutes les galeries, ils versent un peu d'alcool par terre avant d'en absorber un ou plusieurs verres. Nous goûtons avec circonspection (96 degrés tout de même). Surprise ! Ce n'est pas le tordboyau auquel on pouvait s'attendre. On discerne même un léger goût de canne. Une bolivienne, prof d'université à Santa Cruz va malgré tout mettre plus de 5 minutes à retrouver son souffle. L'habitude du Ti'Punch nous immunise probablement !
Avant de quitter la boutique, nous achetons des bâtons de dynamite, une caisse de coca et des feuilles du même nom pour offrir aux mineurs. Un peu plus loin, nous visitons l'usine de traitement du minerai. Le plomb, le zinc et l'argent sont mêlés dans la même veine avec un support non exploitable. Il s'agit donc de séparer tous ces éléments. Le processus est complexe, à base de réactifs chimiques qui génèrent des phénomènes de décantation fondés sur les différences de densité des minéraux. Les installations vétustes semblent dater du 19ème siècle. Nous ne faisons que commencer ce retour dans le passé. Le minibus qui nous transporte grimpe péniblement la côte sur une piste défoncée et poussiéreuse. Nous voici à l'entrée de la galerie Candelaria (fête de chandeleur). Lampes allumées, nous progressons dans un tunnel d'un bon mètre de large. Parfois, nous nous plaquons contre la paroi pour laisser passer les wagonnets de minerai halés et poussés par deux mineurs. A gauche, un boyau : nous nous y insérons. Moitié rampant, moitié glissant sur les fesses, râpant les parois, heurtant nos têtes (merci le casque), nous allons ainsi atteindre les 2ème, 3ème puis 4ème niveaux. Nous sommes soulagés lorsque nous pouvons parfois progresser sur nos pieds, courbés en deux. La chaleur est de plus en plus intenable. Elle va atteindre 40 degrés. L'air est saturé de poussière qui, mélangée à la sueur, nous colle au visage. Nous pénétrons tant bien que mal dans une excavation, une sphère irrégulière d'environ 3 mètres de diamètre. Un mineur creuse un trou avec une barre à mine avant d'y faire exploser un cartouche de dynamite pour dégager une veine.
Plus loin, des mineurs remplissent de minerai une outre en peau, puis les 250 kg de chargement sont remontés à l'aide d'un "winch" au niveau supérieur. Les conditions de travail et de sécurité sont effroyables ici à 60 m sous terre. Alors que dans les mines nationalisées, la loi impose un minimum de 17 m entre les galeries, ici dans cette mine coopérative, certaines galeries ne sont séparées que de 3 ou 4 mètres, les effondrements sont prévisibles à court terme. Des enfants d'une douzaine d'années travaillent au fond. Les accidents sont fréquents. La silicose fait des ravages. Nous sortons de la mine au bout de 2 h et demi, crasseux, épuisés. Qu'en serait-il si nous avions du y passer 8 h pour y travailler ? Par le plus grand des hasards, il se trouve que je suis en train de relire Germinal, trouvé dans un hôtel à Punta Arenas. Le 19ème siècle existe encore dans les mines coopératives en Bolivie.

Epilogue
Le gouvernement d'Evo Morales vient de nationaliser les mines de Huanuni à l'ouest de Sucre. Les mineurs y bénéficient désormais d'un statut, d'un salaire indépendant de leur production, de la sécurité sociale, d'une caisse de retraite, des conditions de travail et de sécurité des mineurs d'état. 5 000 mineurs approuvent cette nationalisation. Moins de 400 ont saisi un député d'extrême droite qui a introduit un recours devant la cour constitutionnelle dont le siège est à Sucre. Nous nous trouvons ce matin au milieu d'une manifestation de mineurs (vous allez dire qu'on le fait exprès) venus défendre la nationalisation, casque sur la tête, bâton de dynamite à la main. Des charges sont allumées, provoquant une envolée de moineaux parmi les badauds. Les explosions sont violentes, des vitres autour de nous volent en éclats. La conquête de droits sociaux qui rendent leur dignité aux mineurs de Bolivie est une question urgente. Sa solution est en marche.

mardi 24 avril 2007

Quelques réponses.



A Julie.
Jamais nous n'avons eu autant de difficultés à prendre des photos de personnes ou de scènes de rue. En Bolivie, si l'on demande la permission, c'est systématiquement non. Dès qu'ils voient un appareil photo, les boliviens tournent le dos, changent de direction, se mettent à l'abri d'une porte, rabattent le chapeau...
Officiellement nous ne sommes pas sûrs que cela soit autorisé. A Villazon, ville frontière entre Argentine et Bolivie où nous sommes restés bloqués tout un après-midi, je suis allée me promener, appareil photo en main. Alors que je visais un bâtiment pour détourner l'attention (j'avais vu une vieille dame en costume traditionnel qui remontait la rue et j'envisageais de la photographier), un policier vient me dire très poliment mais l'air un peu pincé que je ne doit pas photographier ni les personnes ni les banques "car il y a beaucoup d'argent" (j'avais l'objectif braqué sur la banque). J'obtempère, je rengaine mon matériel et je rejoins le square pour prendre mon tour de garde auprès des bagages. Là, je ressors l'appareil photo et prends quelques clichés des gens qui passent, d'assez loin et discrètement avec le zoom. Au bout d'une heure, le même policier me retombe dessus. Là, je sens que je l'énerve un peu ; il me rappelle l'interdiction et également que c'est la deuxième fois qu'il me le dit. Je range définitivement l'appareil.
A Catherine.
De l'Amérique du sud nous ne connaissions que le Brésil où nous avons séjourné en 2000. Notre passage par la Bolivie nous fait pénétrer dans un autre monde, très authentique et très éloigné des standards européens, bien différents du Brésil ainsi que de l'Argentine et du Chili. C'est parfois un peu déroutant. D'après les échos que nous avons eu de routards qui reviennent du Pérou ou de l'Equateur, nous trouverons probablement des similitudes dans ces trois pays andins.

Aux élèves du CM2 d'Anglet.
- Après la Bolivie, nous allons au Pérou puis en Equateur. De la Bolivie, nous ne visiterons que la partie ouest, celle des hauts plateaux. Nous évitons ainsi les régions où sévit le paludisme.
- Nous avons économisé un an avant de partir pour ce voyage. Nous avons complété avec une partie de la vente de notre maison en région parisienne. De plus, nous touchons notre pension de retraite chaque mois. Cependant quand on est en Bolivie ou au Népal, on dépense beaucoup moins qu'en France. En Bolivie, nous dînons pour 6 euros à deux et un déplacement de 200 km en bus coûte 3 euros pour deux.
- Non Jeanne, nous n'avons pas mangé de chocolat à Pâques. Nous étions dans le nord de l'Argentine à cette époque et nous avons mangé beaucoup de llama. Ca fait moins mal au foie.
- Quel sera notre prochain voyage ? Nous ne savons pas encore. Les idées ne manquent pas. De plus, nous avons rencontré des voyageurs avec lesquels nous avons sympathisé et nous sommes invités à Grenade et à Palma de Majorque en Espagne, à Buenos Aires en Argentine, à Copenhague au Danemark, à Vienne en Autriche.... Mais dans un premier temps nous allons nous poser quelques temps, profiter de notre maison, de notre famille et de nos amis. Ensuite nous verrons.
- Merci de nous écrire sur le blog, les enfants. Peut-être pourriez vous dire à votre maître Laurent que nous apprécierions un petit mot de sa part.

samedi 21 avril 2007





Bon anniversaire Julie.


Mardi matin : le Toyota Landcruiser nous attend devant la porte de l'hôtel. Nous chargeons tout sur la galerie : sacs à dos, bouteille de gaz, nourriture, réchaud, nourrices de gazole. Nous partons pour 4 jours dans les régions désertiques du sud de la Bolivie avec un couple de danois, Urbano le chauffeur, Théophila la cuisinière.
Dès la sortie de Tupiza, la piste s'élève pour atteindre l'altiplano. Le reste du voyage s'effectuera désormais entre 4000 et 5000 mètres. La piste : une voie étroite et défoncée de poussière et de roches qui sinue parmi des gorges impressionnantes. Le 6 cylindres du Toyota souffre, nous sommes ballottés et secoués, couverts de poussière malgré les vitres fermées.
Arrivés sur l'altiplano, les reliefs deviennent plus doux mais la piste reste aussi rude. Seules quelques touffes d'herbe parviennent à survivre dans ce désert. Elles constituent l'ordinaire des llamas que nous croisons. Vers 14h nous traversons un minuscule pueblo. Nous n'en verrons pas d'autre avant l'étape du soir à San Antonio de Lipez, un petit village perché à 4200 m. Un petit panneau solaire nous fourni de l'électricité (12 V) de 18 h à 21 h. La nuit est très froide et nous apprécions d'avoir conservé nos duvets de montagne depuis l'Himalaya. Le lendemain, nous progressons dans un désert de plus en plus aride. Plus de végétation. Parfois, quelques vicuñas s'enfuient à l'approche du Toyota. De quoi se nourrissent-elles ? Il n'y a plus de piste et nous avançons au milieu d'une vaste étendue de poussière sur laquelle les 4X4 qui nous ont précédés ont dessiné des jardins Zen. Les paysages font irrésistiblement penser à un tableau impressionniste de Seurat ou de Monet : aucune rupture, chaque couleur en génère une autre. Tout est pastel. Seul la ligne d'horizon impose une transition réellement nette.Au passage, nous longeons le désert de Dali opportunément baptisé en raison des rochers qui, ici ou là, dessinent des ombres fantasmagoriques. La région est volcanique. Les fumeroles qui s'échappent d'un cratère proche nous le rappellent ; de même, les eaux bouillonnantes, la violente odeur de souffre, la vapeur d'eau et les grondements féroces comme nous n'en avions jamais entendus des geysers Sol de Mañana. Parfois, nous longeons des lacs aux couleurs étonnantes : laguna blanca, laguna verde.... Nous arrivons au terme de la journée pour atteindre la laguna colorada. Aucun superlatif ne suffirait à qualifier le moment. Comment décrire un vol de centaines de flamands roses au dessus d'un lac que le soleil déclinant colore : blancs intenses, bleus fluides, orangés profonds. Nous atteignons le salar d'Uyuni, le plus vaste du monde : 12 000 km2, 74 000 000 de tonnes de sel. Dans le refuge ou nous logeons, le sol est de "sel battu", les lits constitués de blocs de sel. Le matin, le lever de soleil au dessus des salines nous démontre que nous trouverons toujours des spectacles qui nous fascineront. Nous allons rouler pendant 250 km sur ce désert blanc. Perdue au sein de cette immensité, nous atteignons la Isla del Pescado également nommée Incahuasi (la maison de l'Inca) : un îlot de corail sur lequel poussent d'immenses cactus et dont le sol est parsemé de coquillages, témoins de l'époque où la mer recouvrait la région.Pas un seul nuage à l'horizon, la réverbération du soleil est violente. Le sol craquelé de plaques pentagonales crisse sous nos pas. Ici au coeur de la saline, nous avons 30 mètres de sel sous nos pieds.Bientôt sur cet écran, pour vous redonner le moral après des élections déprimantes, une grande chronique gastronomique, le quiz du petit routard numéro 2. Ne manquez pas ces rendez-vous.

dimanche 15 avril 2007

Arrivée en Bolivie





Regardez bien la première photo. Vous vous trompez. Nous ne sommes pas à Courchevel mais dans les "salinas grandes" près de Tilcara, au nord de l'Argentine : une vaste étendue de sel à grains très fins qui contrastent avec les blocs de sel des salars où nous nous étions rendus près de San Pedro de Atacama.
Les travailleurs qui exploitent cet endroit creusent des trous rectangulaires de 1 mètre sur deux. Ils trouvent l'eau à 20 cm de profondeur et, à grandes pelletées, lavent le sel qui est ensuite conditionné en sacs de 40 kg. Le soleil brille et la réverbération violente les oblige à se confectionner des protections de fortune. Pour améliorer l'ordinaire, ils vendent sur le chantier des petits objets sculptés dans des blocs de sel.
Près de l'exploitation : un restaurant. Il est entièrement construit en blocs de sel : murs, tables, bancs, décoration... Il n'est pas en service. On a pensé à tout sauf à l'alimentation en eau douce dans cet endroit perdu à plus de 4000 m d'altitude et à 40 km du pueblo le plus proche !!!!!
Au retour, nous nous arrêtons pour passer quelques heures à Purmamarca, un paisible pueblo où les gens paraissent sous les arbres de la place centrale pour fuir les rues écrasées de soleil. Le village est encaissé au milieu d'une quebrada dont les roches dessinent des auréoles multicolores. Dans la région, les sites se nomment "la montagne des 7 couleurs", "la palète du peintre"....
Nous avons passé cette journée en compagnie d'un couple de Buenos Aires. Ils parlent de l'époque de la dictature militaire avec beaucoup d'émotion. Manifestement, leur génération (la notre) n'a pas fait le deuil des 30 000 disparus.
Samedi, nous prenons le bus pour La Quiaca, ville frontière. Nous passons le pont à pied pour atteindre Villazon.
Nous sommes en Bolivie. Nous avons aussi changé de monde. Le Chili, l'Argentine ont conservé quelque chose de l'Europe dont sont issus les nombreux immigrants qui les ont peuplés aux 19ème et 20ème siècle. La Bolivie a une toute autre histoire. Peuple très peu métissé, les boliviens sont majoritairement de souche indienne. Ils en ont conservé, dans leur relatif isolement montagneux, les traditions, les costumes, les modes de vie. De nombreuses femmes portent la jupe sur un empilage de jupons, le chapeau rond traditionnel et un tissu multicolore qui leur sert à transporter des charges...... ou leur bébé.
Si vous cherchez l'authenticité, venez en Bolivie.
Nous sentons bien aussi que nous abandonnons un certain confort. Ce n'est pas sans nous rappeler quelques séjours en Inde dans les années 70 ou, plus récemment, un voyage au Laos.
A notre arrivée à Villazon à 11 h, les rues sont désertes : pas un seul véhicule, tous les commerces sont fermés. C'est jour de recensement !!!!! Nous attendons jusqu'à 17 h sur la place centrale pour voir la ville s'animer et trouver un bus qui nous mène en 2 h à Tupiza, notre première étape en Bolivie. C'est de là que nous organisons notre séjour dans le sud du pays. Demain nous visiterons les quebradas alentours, en partie en jeep, en partie à cheval. Mardi, nous partons pour 4 jours en jeep pour les déserts blancs : logement dans des posadas construites en sel, pas de chauffage, pas d'électricité.
Prochain rendez-vous : pas avant vendredi.

jeudi 12 avril 2007





Voici déjà quelques temps que nous n'avons pas pris la plume (en fait le clavier) pour relater nos "aventures". Alors, un petit résumé…
Nous nous étions quittés à San Pedro de Atacama avant de visiter le "salar". Imaginez une vaste étendue (4000 km2, le 3ème au monde) constituée de blocs de sel cristallisé. Pour y accéder : 30 km de route, revêtue d'un conglomérat sel + eau, qui ne risque pas de se dissoudre puisqu'il ne pleut jamais. Trois ou quatre petits lacs alimentés par les hauts sommets de la cordillère alentour, accueillant la faune avicole. Une escadrille de flamands roses nous survole à une demi douzaine de mètres : spectacle inoubliable. Il parait que le "salar" d'Uyuni en Bolivie (le plus vaste du monde) est encore plus exceptionnel. Nous verrons dans une dizaine de jours.
Nous quittons San Pedro à regret. La route qui rejoint Salta en Argentine traverse des étendues désertiques de sable et de sel uniquement peuplées de quelques vicuñas qui broutent trois ou quatre touffes d'herbe sèche parsemant de loin en loin le plateau.
Passage de la frontière argentine (un col à 4600m) : 3 heures d'attente. Les douaniers et la police nous parquent dans un grand hangar entre le mur et le car, déchargent nos bagages dans la poussière et sortent les chiens. La situation est très mal vécue par les passagers : séquelles de la dictature ? Vision gestapiste de l'Argentine qui ne reflète en rien l'accueil que nous avons eu partout ailleurs dans ce pays.
Nous arrivons vers minuit à Salta. L'hôtel dans lequel nous avions réservé une chambre par Internet ne peut pas honorer la réservation ???? Nous voici logés quelques rues plus loin dans un dortoir : "bordel" garanti jusqu'à 6 heures du mat (prendre la route n'est pas toujours "un long fleuve tranquille"). La suite va nous réconcilier avec l'Argentine.
De Salta, nous reprenons la ruta 40 que nous avions quittée à Bariloche. La piste, toujours aussi poussiéreuse est maintenant beaucoup plus étroite et sinue dans des "quebradas" (canyons) impressionnantes. Pour la seconde fois depuis Ushuaia, nous admirons le vol d'un condor qui joue avec les courants thermiques ascendants.
A Cafayate, nous visitons une bodega (cave) et nous goûtons la spécialité du pays : la glace au vin (Danielle déguste une glace au vin rouge, cépage cabernet et moi une glace au vin blanc, cépage torrontes). Nous en reparlerons.
Ce voyage de deux jours en compagnie d'un français, de deux argentines et de trois espagnols fut très convivial. Nous avons désormais une adresse à Palma de Majorque.
Retour à Salta. Les enseignants sont en grève depuis 45 jours. Ils campent sur la place centrale et certains observent une grève de la faim. On compte déjà un mort parmi eux. Les manifestations sont quotidiennes. Samedi soir, nous assistons à un concert de solidarité. Un groupe local, Sangre andino, "met le feu" à la place. La musique sort des tripes et renvoie manifestement des choses au public. Bientôt, c'est la moitié de la place qui danse la cuenca.
Depuis Salta, nous remontons maintenant vers le nord et la frontière bolivienne. En sortant de la ville, nous avons été bloqués une heure par des ouvriers en grève. Cela bouge beaucoup en Argentine.
A Tilcara depuis hier (bonjour Nadège), nous avons visité ce matin une forteresse pré-inca en compagnie d'un couple de Buenos Aires. Nous projetons d'aller visiter ensemble des "salars" demain. Nous vous raconterons.

samedi 7 avril 2007

Photos de voyage





C'est en général Richard qui est derrière l'objectif depuis le début du voyage.
Il s'éclate tellement que je l'ai nommé responsable de l'image, notamment des portraits car il a le culot de braquer le zoom sur les gens, les serveuses de bar en particulier. Par contre je reprends les commandes quand il s'agit de "conditions extrêmes", dans le bus par exemple, entre les cahots et les virages, lorsqu'il faut immortaliser un superbe paysage ou un troupeau de guanacos qui traverse devant le bus à toute vitesse. Ca c'est du sport, j'aurais pu être envoyée spéciale ou correspondante de guerre !!!

C'est vrai que les photos sont belles mais la nature nous donne quand même un sacré coup de pouce. A chaque excursion, on se dit : "allez encore une et c'est la dernière".Le numérique c'est fantastique, on n'hésite pas à remplir la carte mémoire même s'il est difficile ensuite de trier, jeter, choisir. Et puis il faut dire qu'avec ce super cadeau de retraite, c'est un régal. On ne s'en lasse pas. Merci encore.
Ce que vous voyez de nos photos n'est qu'un échantillon (nous reviendrons avec un nombre de photos que nous estimons à plus de 6000). On a parfois tellement de mal à les envoyer que nous nous limitons à quelques unes (à San Pedro, par exemple, il fallait plus d'une demi heure pour envoyer une seule photo).
A la fin de notre voyage nous avons l'intention de faire sur Internet une rétrospective avec plein de photos inédites. Nous la complèterons par un album sur support papier. Nous pensons également réaliser des montages. Les idées foisonnent...

PS 1 : qui est l'anonyme aux bisous chocolatés. Nous ne l'avons pas reconnu(e).

PS 2 : nous avons le plaisir d'annoncer à tous nos lecteurs que Laetitia vient d'obtenir son permis de conduire. Prenez garde, particulièrement les cyclistes bretons (bien que ceux ci aient été pratiquement décimés lors de sa dernière visite en conduite accompagnée). Bravo Laetitia. Maintenant, place au BAC.

mardi 3 avril 2007

San Pedro de Atacama.



Une oasis perdue au milieu du désert d'Atacama qu'on atteint après 22 heures de bus depuis Santiago.
Nous avons décidé d'y poser notre sac à dos pour 4 jours. Le village ressemble tout à fait à l'idée qui traîne dans notre imaginaire sur l'Amérique du sud : des maisons sans étage, construite en adobe (terre), des rues poussiéreuses où quelques cactus et arbustes recouverts de sable tentent vainement de survivre, des chiens errants à la recherche d'un coin d'ombre. Car le soleil cogne à cette altitude (2400 m). Il n'est pas tombé une seule goutte d'eau depuis 4 ans. Ce village est devenu la base arrière des routards qui veulent faire l'expérience du désert. Le soir, lorsque la fraîcheur arrive, les rues voient apparaître une population cosmopolite qui se mêle à la vie locale. Nous avons dîné hier au soir avec une australienne de Melbourne que nous avions rencontrée à Ushuaia, des milliers de kilomètres plus au sud.

Autour du village, le désert : des centaines de kilomètres de sable, de cailloux, de "salars", aucune végétation. La faune est réduite à sa plus simple expression : quelques renards qui viennent chercher leur nourriture aux abords du village et retournent le soir vers leur gîte. Les derniers condors ont émigré il y a une trentaine d'année vers l'Argentine faute de nourriture. Mais des paysages lunaires à couper le souffle.

Hier après-midi, nous nous sommes rendus dans la "vallée de la mort" : la progression est difficile, les pieds s'enfoncent parfois jusqu'à la cheville dans le sable. Le cañon qui nous entoure laisse apparaître des couches minérales, toutes de couleurs différentes, qui se sont superposées au cours de millions d'années. Nous terminons au coucher du soleil dans la "vallée de la lune", spectacle irréel : juchés sur une crête, il faut laisser le regard se perdre sur ce relief tourmenté que les rayons déclinants du soleil vont sculpter en harmonies d'ombres, d'ocres et de bruns. Il est d'usage à ce moment de boire le pisco que nous avons apporté de San Pedro. Nous n'y manquons pas, le spectacle vaut bien ce sacrifice (ne ricanez pas, je vous entends d'ici).

Ce matin, lever à 4 heures. Il faut arriver au site géothermal d'El Tatio avant le soleil. La piste grimpe dans la cordillère jusqu'à 4320 mètres. Là, sur l'altiplano, des volutes de vapeur s'élèvent à plusieurs dizaines de mètres pour accompagner des geysers d'eau bouillante. L'air sent le souffre, de chaque cavité s'échappe le bruit sourd de l'eau en ébullition. Il fait -5 degrés, le sol est gelé : contraste saisissant avec l'eau qui sort à 85 degrés.

Nous poursuivons ensuite vers le village de Machuca*, petit pueblo au cœur de l'altiplano : image de carte postale. A cette altitude, curieusement, la végétation réapparaît sous la forme de buissons épars de quelques centimètres de hauteur. La faune aussi, et nous rencontrons nos premiers vicuñas et nos premiers lamas. Ce sera une rencontre gastronomique également puisque l'unique échoppe du pueblo prépare des brochettes de lamas. Délicieux, mais nous ne sommes pas d'accord pour en définir les saveurs. Nous avons toute l'après-midi pour en débattre.

Demain, nous envisageons de porter nos pas vers le "salar" (lac de sel).


* Si vous en avez l'occasion allez voir ce film chilien "Mon ami Machuca" (nous pouvons prêter le DVD) : une mise en image sincère et émouvante des problèmes rencontrés par l'Unité Populaire en particulier dans le domaine dela démocratisation de l'enseignement et de la violence au quotidien du coup d'état militaire.

Pas de message aujourd'hui

Je voulais juste un post le 3 avril. Julie

dimanche 1 avril 2007



Voici maintenant un mois que nous voyageons en Amérique latine, au Chili et en Argentine. Ces deux pays ont subi pendant les années 70 et bien au delà, des dictatures militaires sanglantes pilotées par les administrations US successives via la CIA.
Nous étions curieux de voir quelles traces elles avaient laissées dans ces sociétés depuis le retour des démocraties parlementaires.
En Argentine, la perception n'en est pas évidente à part quelques allusions dans la presse aux manifestations hebdomadaires des "mères de la place de Mai". Il est vrai qu'en Argentine la dictature a duré moins longtemps qu'au Chili même si elle fut tout aussi barbare. Le problème récurrent qui semble dominer la conscience politique argentine (pour des observateurs comme nous) reste la blessure profonde qu'a laissée la défaite lors de la guerre des îles Malouines en 1982. Pas une journée sans qu'un tag sur un mur, un titre dans la presse, un monument dans la rue viennent rappeler ce moment de leur histoire. Toutes les communes, si petites soient-elles ont leur "Calle de las Malvinas argentinas". De toute évidence, si la question a été réglée militairement par l'Angleterre, elle ne l'a pas été politiquement.
Il en va tout autrement au Chili où l'héritage de la dictature est une plaie toujours vive de la société. Ce pays, s'il est revenu à une démocratie parlementaire, reste économiquement et institutionnellement marqué profondément par les 17 années de dictature. L'organisation économique et sociale reste majoritairement régie par les lois de l'ère Pinochet que ni les gouvernements centristes et socialistes qui se sont succédés depuis n'ont su ou voulu changer, et la société est restée profondément inégalitaire, génératrice de conflits sociaux exacerbés.
Un exemple : les bénéfices de l'exploitation du cuivre, la richesse nationale, restent depuis la dictature aux mains des actionnaires (bien entendu) et de l'armée qui s'en réserve une part importante.
C'est comme cela que nous nous sommes retrouvés jeudi au milieu d'une manifestation lycéenne et d'une charge de police (on ne se refait pas !).
Explication : l'enseignement au Chili est régi par la LOCE (loi organique constitutionnelle de l'enseignement) établie en 1990, quelques jours avant le départ de Pinochet. Cette loi qui désengage l'état de ses responsabilités en matière éducative a permis la privatisation des établissements scolaires et l'entrée en leur sein des entreprises privées par le biais des subventions. Début mars, nous avions discuté avec deux étudiantes qui nous avaient parlé du coût exorbitant des études au Chili. Les lycéens (qui se nomment eux mêmes "les pingouins" par référence aux couleurs bleues et blanches de leurs uniformes) sont en lutte pour l'abrogation de la LOCE depuis des années (en particulier ses aspects concernant les droits d'inscription et le coût des transports scolaires). L'an dernier, une manifestation qui avait surpris par son ampleur avait été violemment réprimée mais avait débouché sur la constitution d'une commission chargée de faire des propositions.....et qui depuis n'en a fait aucune. Depuis deux semaines, les lycéens occupaient les lycées. Ils en ont été violemment expulsés mardi par les carabiniers, leurs représentants élus sanctionnés, et ils se retrouvent maintenant dans la rue. Le problème se règle aujourd'hui à coups de pierres, de cocktails molotof et de matraques. La nuit de jeudi à vendredi, après une journée d'action nationale, a été le théâtre de violents affrontements dans le centre de Santiago et d'une répression féroce : matraquages, canons à eau, intervention des blindés, arrestation de plus de 603 jeunes mineurs, annulation de leurs inscriptions scolaires... tout cela sous un gouvernement "socialiste".
Allende réveille toi, ils sont devenus fous !
Le problème ne sera pas réglé pour autant car les pouvoirs politiques et économiques ne semblent pas prêts à accéder aux revendications des lycéens et à revoir les questions éducatives dans une perspective de justice et d'égalité (pas plus que les autres questions d'ailleurs). Notons au passage que le traitement par la presse écrite et TV est tout aussi scandaleux que le fut chez nous par exemple celui du traité constitutionnel européen : une seule voix, un seul son de cloche, d'interminables défilés de ministres, de sous-ministres, d’"experts autorisés", de représentants du MEDEF local, des titres comme "la journée des délinquants", "les hordes détruisent tout sur leur passage".... Pas une seule fois ces derniers jours (et nous suivons la crise avec attention), nous n'avons lu ou entendu l'opinion d'un délégué lycéen, d'un représentant syndical. La presse aux ordres et la pensée unique sont de mise sous toutes les latitudes. Il est frappant malgré tout d'observer comme la période de l'Unité Populaire reste présente dans les consciences et visible partout, faisant même l'objet d'un véritable culte : vente de T-shirts, de badges, de photos jaunies, de posters, de tableaux, noms de rues. Salvador Allende, Pablo Neruda, Victor Jara auxquels on associe souvent "Che" Guevara, sont présents partout. Nous avons vu à Puerto Montt, petit port du sud du Chili, un tag récent : "Victor Jara vive siempre en el pueblo".... 34 ans après, alors que les "Pinochet, hiro de p...· sont monnaie courante. On n'étouffe pas les consciences.

"Il est une chose contre laquelle la plus puissante armée du monde ne pourra jamais rien faire : c'est une idée pour laquelle le temps est venu" (Voltaire)

Hasta siempre.