dimanche 1 avril 2007



Voici maintenant un mois que nous voyageons en Amérique latine, au Chili et en Argentine. Ces deux pays ont subi pendant les années 70 et bien au delà, des dictatures militaires sanglantes pilotées par les administrations US successives via la CIA.
Nous étions curieux de voir quelles traces elles avaient laissées dans ces sociétés depuis le retour des démocraties parlementaires.
En Argentine, la perception n'en est pas évidente à part quelques allusions dans la presse aux manifestations hebdomadaires des "mères de la place de Mai". Il est vrai qu'en Argentine la dictature a duré moins longtemps qu'au Chili même si elle fut tout aussi barbare. Le problème récurrent qui semble dominer la conscience politique argentine (pour des observateurs comme nous) reste la blessure profonde qu'a laissée la défaite lors de la guerre des îles Malouines en 1982. Pas une journée sans qu'un tag sur un mur, un titre dans la presse, un monument dans la rue viennent rappeler ce moment de leur histoire. Toutes les communes, si petites soient-elles ont leur "Calle de las Malvinas argentinas". De toute évidence, si la question a été réglée militairement par l'Angleterre, elle ne l'a pas été politiquement.
Il en va tout autrement au Chili où l'héritage de la dictature est une plaie toujours vive de la société. Ce pays, s'il est revenu à une démocratie parlementaire, reste économiquement et institutionnellement marqué profondément par les 17 années de dictature. L'organisation économique et sociale reste majoritairement régie par les lois de l'ère Pinochet que ni les gouvernements centristes et socialistes qui se sont succédés depuis n'ont su ou voulu changer, et la société est restée profondément inégalitaire, génératrice de conflits sociaux exacerbés.
Un exemple : les bénéfices de l'exploitation du cuivre, la richesse nationale, restent depuis la dictature aux mains des actionnaires (bien entendu) et de l'armée qui s'en réserve une part importante.
C'est comme cela que nous nous sommes retrouvés jeudi au milieu d'une manifestation lycéenne et d'une charge de police (on ne se refait pas !).
Explication : l'enseignement au Chili est régi par la LOCE (loi organique constitutionnelle de l'enseignement) établie en 1990, quelques jours avant le départ de Pinochet. Cette loi qui désengage l'état de ses responsabilités en matière éducative a permis la privatisation des établissements scolaires et l'entrée en leur sein des entreprises privées par le biais des subventions. Début mars, nous avions discuté avec deux étudiantes qui nous avaient parlé du coût exorbitant des études au Chili. Les lycéens (qui se nomment eux mêmes "les pingouins" par référence aux couleurs bleues et blanches de leurs uniformes) sont en lutte pour l'abrogation de la LOCE depuis des années (en particulier ses aspects concernant les droits d'inscription et le coût des transports scolaires). L'an dernier, une manifestation qui avait surpris par son ampleur avait été violemment réprimée mais avait débouché sur la constitution d'une commission chargée de faire des propositions.....et qui depuis n'en a fait aucune. Depuis deux semaines, les lycéens occupaient les lycées. Ils en ont été violemment expulsés mardi par les carabiniers, leurs représentants élus sanctionnés, et ils se retrouvent maintenant dans la rue. Le problème se règle aujourd'hui à coups de pierres, de cocktails molotof et de matraques. La nuit de jeudi à vendredi, après une journée d'action nationale, a été le théâtre de violents affrontements dans le centre de Santiago et d'une répression féroce : matraquages, canons à eau, intervention des blindés, arrestation de plus de 603 jeunes mineurs, annulation de leurs inscriptions scolaires... tout cela sous un gouvernement "socialiste".
Allende réveille toi, ils sont devenus fous !
Le problème ne sera pas réglé pour autant car les pouvoirs politiques et économiques ne semblent pas prêts à accéder aux revendications des lycéens et à revoir les questions éducatives dans une perspective de justice et d'égalité (pas plus que les autres questions d'ailleurs). Notons au passage que le traitement par la presse écrite et TV est tout aussi scandaleux que le fut chez nous par exemple celui du traité constitutionnel européen : une seule voix, un seul son de cloche, d'interminables défilés de ministres, de sous-ministres, d’"experts autorisés", de représentants du MEDEF local, des titres comme "la journée des délinquants", "les hordes détruisent tout sur leur passage".... Pas une seule fois ces derniers jours (et nous suivons la crise avec attention), nous n'avons lu ou entendu l'opinion d'un délégué lycéen, d'un représentant syndical. La presse aux ordres et la pensée unique sont de mise sous toutes les latitudes. Il est frappant malgré tout d'observer comme la période de l'Unité Populaire reste présente dans les consciences et visible partout, faisant même l'objet d'un véritable culte : vente de T-shirts, de badges, de photos jaunies, de posters, de tableaux, noms de rues. Salvador Allende, Pablo Neruda, Victor Jara auxquels on associe souvent "Che" Guevara, sont présents partout. Nous avons vu à Puerto Montt, petit port du sud du Chili, un tag récent : "Victor Jara vive siempre en el pueblo".... 34 ans après, alors que les "Pinochet, hiro de p...· sont monnaie courante. On n'étouffe pas les consciences.

"Il est une chose contre laquelle la plus puissante armée du monde ne pourra jamais rien faire : c'est une idée pour laquelle le temps est venu" (Voltaire)

Hasta siempre.

6 commentaires:

  1. Patrice Fanchini1 avril 2007 à 13:30

    Danielle, Richard,

    J'ai pris ENFIN le temps de consulter votre blog.
    Vous êtes en train de vivre une aventure fabuleuse et vous nous la racontez si bien !
    Bonne continuation, profitez-en un max. et continuer à nous faire rêver.

    Patrice.

    PS : Trouve-t-on du rhum digne de ce nom ailleurs qu'aux Antilles et à la réunion ?

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  2. Patrice Fanchini1 avril 2007 à 13:30

    Danielle, Richard,

    J'ai pris ENFIN le temps de consulter votre blog.
    Vous êtes en train de vivre une aventure fabuleuse et vous nous la racontez si bien !
    Bonne continuation, profitez-en un max. et continuer à nous faire rêver.

    Patrice.

    PS : Trouve-t-on du rhum digne de ce nom ailleurs qu'aux Antilles et à la réunion ?

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  3. AMBOU Michèle2 avril 2007 à 08:08

    Cette fois je crois que c'est Richard qui a écrit. Merci de ces explications mais qui nous confirment malheureusement que ces pays "dits socialistes" n'ont toujours pas cessé leurs méthodes coercitives. Dîtes-moi qu'ils y arriveront un jour ?!
    En tous cas, bravo pour vos progrès en Espagnol, juste une remarque : on dit "hijo de P" et pas "hiro". A part çà, tout est OK notamment le "hasta siempre".
    Que lo passen bien amigos !
    A+
    Michèle (PS : touojours depuis mon boulot ....)

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  4. Catherine et José2 avril 2007 à 12:01

    Chers Danielle et Richard,
    J'avoue m'être un peu laissée aller ces derniers jours : J'ai passé beaucoup de temps sur l'ordi mais pour préparer les vacances de cet été : 15 jours au mois d'août en provence.... C'est pas le tour du monde mais déloger José de la Bretagne ou de l'Espagne, ça m'a pris du temps et il a fallut que je trouve le "plus mieux" pour le séduire !
    Enfin, ça y est presque !
    Vos photos sont toujours aussi superbes, les commentaires instructifs et je découvre des paysages que je n'aurai pas imaginer dans ces pays. Qu'est-ce que ça donne envie de voyager !!!
    On pense à vous. On ne vous oublie pas et on donne l'adresse du blog à plein de copains qui ne vous connaissent pas mais sont tout de suite séduit pas votre aventure.
    Merci de nous faire rêver. Plein de bisous.

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  5. Salut,

    Si vous avez des problèmes avec des carabiniers dites simplement que vous connaissez bien et même très bien le segnor Del Ambou vous n'auriez pas de problème. Vous pourriez d'ailleurs leur dire qu'il s'occupe de votre report de déclaration et qu'il vérifira si votre courrier est bien dans votre dossier dossier. Sorry pour ce retard la free déconne à la maison et je travaille beaucoup à l'extérieur.A+

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