Nous sommes à Sucre depuis hier avec l'intention d'y rester une semaine. Nous reparlerons de cette ville très agréable. Auparavant nous avons séjourné 3 jours à Potosi. Toute l'activité de cette ville est centrée autour de la mine. On y exploite essentiellement le plomb, l'argent et le zinc.
Neuf heures du matin dans le centre ville. Nous nous équipons : combinaison, casque, bottes, lampe et nous partons en minibus vers la montagne qui domine Potosi, siège de tous les puits de mine. Au passage nous nous arrêtons dans une boutique de mineurs. C'est là qu'ils s'approvisionnent. On y vend tout ce qui leur est nécessaire : vêtements, chargeurs de batteries pour les lampes, feuilles de coca, boissons, bâtons de dynamite (en vente libre en Bolivie), alcool.... Notre guide nous brosse un tableau de l'exploitation minière. Les mineurs sont organisés en coopératives (ici à Potosi), leurs revenus sont totalement dépendants de leur production. Les veines de minerai sont exploitées depuis 600 ans mais des études sérieuses indiquent qu'il reste une dizaine d'années de production. Que deviendra Potosi, cette ville de 100 000 habitants ?
Nous goûtons l'alcool des mineurs. Extrait du jus de la canne à sucre, il titre 96 degrés. Vous avez bien lu : 96. De consommation courante dans cette corporation, il est également un élément d'un rituel qui se déroule chaque vendredi dans tous les puits. Là, rassemblés devant une des nombreuses représentations de Tio, le dieu de la mine qu'on trouve dans toutes les galeries, ils versent un peu d'alcool par terre avant d'en absorber un ou plusieurs verres. Nous goûtons avec circonspection (96 degrés tout de même). Surprise ! Ce n'est pas le tordboyau auquel on pouvait s'attendre. On discerne même un léger goût de canne. Une bolivienne, prof d'université à Santa Cruz va malgré tout mettre plus de 5 minutes à retrouver son souffle. L'habitude du Ti'Punch nous immunise probablement !
Avant de quitter la boutique, nous achetons des bâtons de dynamite, une caisse de coca et des feuilles du même nom pour offrir aux mineurs. Un peu plus loin, nous visitons l'usine de traitement du minerai. Le plomb, le zinc et l'argent sont mêlés dans la même veine avec un support non exploitable. Il s'agit donc de séparer tous ces éléments. Le processus est complexe, à base de réactifs chimiques qui génèrent des phénomènes de décantation fondés sur les différences de densité des minéraux. Les installations vétustes semblent dater du 19ème siècle. Nous ne faisons que commencer ce retour dans le passé. Le minibus qui nous transporte grimpe péniblement la côte sur une piste défoncée et poussiéreuse. Nous voici à l'entrée de la galerie Candelaria (fête de chandeleur). Lampes allumées, nous progressons dans un tunnel d'un bon mètre de large. Parfois, nous nous plaquons contre la paroi pour laisser passer les wagonnets de minerai halés et poussés par deux mineurs. A gauche, un boyau : nous nous y insérons. Moitié rampant, moitié glissant sur les fesses, râpant les parois, heurtant nos têtes (merci le casque), nous allons ainsi atteindre les 2ème, 3ème puis 4ème niveaux. Nous sommes soulagés lorsque nous pouvons parfois progresser sur nos pieds, courbés en deux. La chaleur est de plus en plus intenable. Elle va atteindre 40 degrés. L'air est saturé de poussière qui, mélangée à la sueur, nous colle au visage. Nous pénétrons tant bien que mal dans une excavation, une sphère irrégulière d'environ 3 mètres de diamètre. Un mineur creuse un trou avec une barre à mine avant d'y faire exploser un cartouche de dynamite pour dégager une veine.
Plus loin, des mineurs remplissent de minerai une outre en peau, puis les 250 kg de chargement sont remontés à l'aide d'un "winch" au niveau supérieur. Les conditions de travail et de sécurité sont effroyables ici à 60 m sous terre. Alors que dans les mines nationalisées, la loi impose un minimum de 17 m entre les galeries, ici dans cette mine coopérative, certaines galeries ne sont séparées que de 3 ou 4 mètres, les effondrements sont prévisibles à court terme. Des enfants d'une douzaine d'années travaillent au fond. Les accidents sont fréquents. La silicose fait des ravages. Nous sortons de la mine au bout de 2 h et demi, crasseux, épuisés. Qu'en serait-il si nous avions du y passer 8 h pour y travailler ? Par le plus grand des hasards, il se trouve que je suis en train de relire Germinal, trouvé dans un hôtel à Punta Arenas. Le 19ème siècle existe encore dans les mines coopératives en Bolivie.
Epilogue
Le gouvernement d'Evo Morales vient de nationaliser les mines de Huanuni à l'ouest de Sucre. Les mineurs y bénéficient désormais d'un statut, d'un salaire indépendant de leur production, de la sécurité sociale, d'une caisse de retraite, des conditions de travail et de sécurité des mineurs d'état. 5 000 mineurs approuvent cette nationalisation. Moins de 400 ont saisi un député d'extrême droite qui a introduit un recours devant la cour constitutionnelle dont le siège est à Sucre. Nous nous trouvons ce matin au milieu d'une manifestation de mineurs (vous allez dire qu'on le fait exprès) venus défendre la nationalisation, casque sur la tête, bâton de dynamite à la main. Des charges sont allumées, provoquant une envolée de moineaux parmi les badauds. Les explosions sont violentes, des vitres autour de nous volent en éclats. La conquête de droits sociaux qui rendent leur dignité aux mineurs de Bolivie est une question urgente. Sa solution est en marche.
J'y crois pas ! Toi, Maman, tu es allée ramper la dessous ? Ben dis-donc... Et j'espère que vous allez nous en ramener du désinfectant à 96°C, qu'on goûte ça.
RépondreSupprimerahahahah
RépondreSupprimerJuste un petit mot pour vous dire que j'étais et je suis en vacance (pour refaire la salle de bain bref je dirai faire refaire la salle de bain par Daniel) et par manque de bol pas de net à la maison. Donc voila pourquoi il y avait silence radio j'espère qu'après le 1er Mai tout ira bien.
RépondreSupprimerAdios amigos
Salut les tour-du-mondistes!
RépondreSupprimerUn ptit coucou de bretonnie où on vient enfin de retrouver le temps breton (c'est a dire la pluie, après presque 15 jours de beau, c'était à prévoir!).
Je suis très très impressionné par le récit de votre expérience minière. C'est vraiment, comme vous dites, un voyage dans le passé que vous avez fait. Il faudra que vous me raccontiez cette étape, comme ça je pourrai en faire profiter à mon papy ancien mineur.
Bonne continuation, et à la prochaine !
je prends note du desinfectant à 95degres...merci pour votre soutien dans les moments difficiles que j'ai vecu....et j'espere que vous serez aussi proche de nous dans les moments meilleurs ...mais chut la future maman n'est qu'a son troisieme mois de grossesse...!
RépondreSupprimerstephane
Eh dis-donc le Papa Pingouin, c'est pas fini de critiquer... Et puis entre nous les terribles orages prévus sur notre bretagne profonde... Météo France repassera !!! Pour l'instant ça "mouillanche" même pas (comme dirait l'Olive, nondiiidiou). Je sens le soleil pointé derrière un ciel à peine voilé de brume matinale...
RépondreSupprimerBon, j'ai un peu de mal à bosser un 30 avril (y'a personne au café !!!!!!!!!!! Non mais je vous jure!!!) Ils sont tous en week-end!! On doit être 10 à tout casser dans le bâtiment (de 5 étages) Bon ben je vous laisse, je vais aller manger une pomme, mettre la bouilloire à chauffer pour le thé, mettre de l'eau dans la cafetière, doser le café, mettre en route, nettoyer ma tasse, ma cuillère, faire le tour des étages pour trouver un ou une autre esseulé, redescendre parce que j'ai trouvé personne, lire mes mails, remonter prendre un café, redescendre parce que j'ai oublié ma tasse sur mon bureau, remonter enfin chercher mon café, cracher un peu mes poumons (parce que je boycotte l'ascenseur, moi), redescendre pour voir si j'ai eu des mails entre temps... Bon, bien sur, c'est une boutade, j'ai quand même un peu de boulot (fonctionnaire/boulot, fonctionnaire/boulot... Et oui, ça fonctionne aussi)
Courage, Julie nous non plus on n'a pas fait le pont !
RépondreSupprimerEn plus, on est aussi fonctionnaires et on a aussi de temps en temps l'impression de pas mal bosser !